La soustraction intentionnelle de l’employeur aux obligations déclaratives et au versement des cotisations sociales constitue-elle l’infraction de travail dissimulé ?
Cass. Soc. 5 novembre 2025 n°23-10.637
Un salarié de nationalité italienne est engagé par une société française. À plusieurs reprises, il sollicite de son employeur des précisions sur la mise en œuvre de ses droits et obligations en matière sociale et fiscale. Faute de réponse, il présente sa démission.
Se fondant sur une clause contractuelle prévoyant l’application de la loi française, le salarié saisit la juridiction prud’homale. Il impute sa démission aux manquements graves de l’employeur, invoquant notamment une situation de travail dissimulé.
Les juges du fond font droit à sa demande et condamnent l’employeur au paiement d’une indemnité pour travail dissimulé, retenant que la société française s’était soustraite à ses obligations de déclaration et de versement des cotisations sociales.
L’employeur se pourvoit en cassation. Il soutient que le salarié, en situation d’expatriation, relevait du régime social belge, État du lieu d’exécution du contrat. Il ajoute que l’entreprise avait d’ailleurs été condamnée à délivrer des bulletins de paie conformes à la législation belge, de sorte qu’aucune déclaration ne devait être effectuée auprès des organismes français et qu’aucune infraction de travail dissimulé ne pouvait être caractérisée.
La Cour de cassation casse l’arrêt. Après avoir rappelé la définition du travail dissimulé, elle précise, à la lumière de la jurisprudence de la chambre criminelle, que l’infraction de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié n’est pas constituée lorsque l’employeur français d’un salarié expatrié s’est soustrait intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales auprès des organismes de l’État compétent, et non auprès des organismes français.
Les juges peuvent-ils contrôler le respect des dispositions conventionnelles d’un PSE en tenant compte de conditions non préalablement définies ?
Cass. Soc. 5 novembre 2025 n°24-11.723
Une salariée propose sa candidature à un dispositif de départ anticipé volontaire mis en place dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) conclu par l’entreprise le 18 janvier 2016 et validé par la DREETS (anciennement Direccte) le 5 février 2016.
Sa candidature est refusée le 27 avril 2016. Elle se positionne alors sur un second dispositif prévu dans le même accord, relatif à un départ volontaire en vue d’une formation qualifiante. Cette seconde candidature est acceptée le 18 mai 2016.
Dans le cadre de ce dispositif, la salariée et son employeur concluent un accord de rupture du contrat de travail le 9 juin 2016, prévoyant une fin de contrat au 9 novembre 2016, finalement reportée au 31 décembre 2016. Son congé de reclassement débute le 25 janvier 2017 pour une durée de 36 mois.
Le 23 janvier 2018, la salariée saisit le conseil de prud’hommes pour contester le refus de sa première candidature au dispositif de départ anticipé à la retraite. Elle sollicite notamment des dommages et intérêts pour perte de salaire et perte de droits à la retraite, estimant avoir été victime d’une différence de traitement par rapport à certains collègues placés dans une situation comparable mais ayant, eux, pu bénéficier du dispositif.
Le conseil de prud’hommes puis la cour d’appel la déboutent, estimant que l’entreprise avait respecté les conditions du PSE. Les juges relèvent que la salariée ne remplissait pas la condition d’âge de 55 ans à la date de sa candidature, et qu’elle ne devait l’atteindre que plusieurs mois plus tard, contrairement à d’autres salariés auxquels elle se comparait.
La salariée forme un pourvoi en cassation, soutenant qu’une différence de traitement existait, puisque d’autres salariés ne remplissant pas non plus la condition d’âge à la date de leur candidature avaient pourtant pu bénéficier du dispositif. L’employeur rétorquait que ces salariés atteignaient l’âge requis dans un délai très court, à la différence de la salariée qui ne l’atteindrait que neuf mois plus tard.
La Cour de cassation casse l’arrêt. Elle rappelle que, selon les dispositions conventionnelles, l’âge requis devait s’apprécier à la date de signature de la convention de rupture. En considérant qu’il existait une différence de situation entre les salariés atteignant « rapidement » l’âge minimal et ceux l’atteignant plusieurs mois plus tard, la cour d’appel a ajouté une condition absente de l’accord collectif du 18 janvier 2016.
En outre, les juges du fond avaient retenu que les conventions de rupture avaient été signées entre le 1er avril et le 21 juin 2016, ce qui empêchait la salariée d’en bénéficier puisque son anniversaire intervenait plusieurs mois après. Or, la Haute juridiction souligne qu’aucun délai fixe de signature n’était prévu par l’accord, de sorte que l’employeur aurait pu fixer, pour cette salariée, une date de signature postérieure à ses 55 ans révolus.
L’employeur peut-il régulariser le défaut de notification d’un projet de licenciement collectif postérieurement à la résiliation d’un contrat de travail ?
CJUE, 30 octobre 2025 C-134/24
Une demande de décision préjudicielle a été posée par la Cour fédérale du travail allemande, par décision du 1er février 2024, transmise à la Cour de justice de l’Union européenne le 20 février 2024. Elle portait sur l’interprétation de la directive 98/59/CE du 20 juillet 1998 relative au rapprochement des législations des États membres en matière de licenciements collectifs, et plus particulièrement de son article 3 concernant la notification préalable du projet de licenciement collectif à l’autorité publique compétente.
La juridiction allemande interrogeait la CJUE sur la validité d’un licenciement collectif au regard des obligations de notification et du respect du délai minimal de carence de 30 jours avant que les licenciements puissent devenir effectifs.
La question se posait dans le cadre d’un litige opposant un administrateur judiciaire, agissant pour une entreprise en procédure d’insolvabilité, à un salarié licencié dans le cadre d’un licenciement collectif. Ce dernier contestait la validité de son licenciement, estimant que la procédure légale n’avait pas été respectée faute de notification du projet de licenciement collectif.
Dans les faits, le salarié avait été licencié le 2 décembre 2020 avec effet au 31 mars 2021. Il saisit la juridiction prud’homale allemande pour en demander l’annulation et sa réintégration, au motif que la notification du projet de licenciement collectif à l’autorité administrative n’avait pas été effectuée.
L’employeur, de son côté, justifiait cette absence de notification en soutenant ne pas être soumis à cette obligation, l’effectif de l’entreprise n’atteignant pas le seuil requis au jour de l’ouverture de la procédure d’insolvabilité.
Les juridictions allemandes ont donné raison au salarié, mais se sont interrogées sur la proportionnalité de la sanction d’annulation du licenciement en cas de non-respect de l’obligation de notification. Elles ont donc demandé à la CJUE si une régularisation postérieure de la notification, après la résiliation du contrat de travail, pouvait être admise.
La Cour de justice de l’Union européenne, s’appuyant notamment sur son arrêt Junk du 27 janvier 2005 (C-188/03), rappelle que le respect du délai de carence de 30 jours et l’obligation de notification préalable constituent des garanties substantielles de protection des salariés.
Elle en déduit que l’absence de notification préalable empêche la résiliation effective du contrat de travail : un licenciement collectif prononcé sans notification préalable est donc irrégulier.
Les juges européens répondent dès lors par la négative : la régularisation de la notification après la résiliation du contrat n’est pas possible, car elle viderait de sa substance le délai de carence prévu par la directive. Ce délai a précisément pour objet de permettre à l’autorité compétente de contrôler en amont la procédure de licenciement collectif et de garantir une protection effective aux salariés concernés.
En examen au Sénat les 12 et 13 novembre, le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude comporte plusieurs mesures ayant un impact sur le volet social, notamment en matière de travail dissimulé.
Parmi ces mesures, le texte prévoit une extension du devoir de vigilance des donneurs d’ordre à l’égard de leurs sous-traitants, avec la mise en place d’un formalisme renforcé, incluant la création d’une attestation de vigilance. Les maîtres d’ouvrage devront également justifier de l’accomplissement de leur propre devoir de vigilance.
Le projet renforce la responsabilité solidaire du donneur d’ordre en cas de manquement à ce devoir.
Enfin, les sanctions en cas de fraude au travail dissimulé seront alourdies, notamment par une majoration du taux de cotisation, portée de 25 % à 35 % pour un travailleur majeur et de 40 % à 50 % pour un mineur.
Aux termes de l’article 85 du règlement européen n°883/2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale et de son interprétation par la jurisprudence européenne, la subrogation, ainsi que l'étendue des droits dans lesquels l'institution est subrogée, sont déterminées selon le droit de l'État membre dont relève cette institution, à condition que l'exercice de la subrogation prévue par ce droit n'aille pas au-delà des droits que la victime ou ses ayants droit détiennent à l'égard de l'auteur du dommage en vertu du droit de l'État membre sur le territoire duquel le dommage est survenu.
Pour autant, selon la Cour de cassation, la transaction conclue entre la victime et l’assureur de l’auteur du dommage, et à laquelle l’organisme subrogé n’est pas partie, ne peut pas limiter les droits de celui-ci sur le fondement des règles applicables dans le pays où est survenu le dommage.
Cass, 1ère civ, 5 novembre 2025 n°24-11.033
A la demande de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, le CPA a rendu un avis sur l’opportunité et les modalités de rapprochement des assiettes de cotisations sociales et de contribution sociale généralisée (CSG). L’avis explicite les différences d’assiette et rappelle le coût des dispositifs d’exonération ainsi que leurs conséquences sur l’évolution de la structure des rémunérations. Enfin il précise par grandes catégories de dispositifs, les modalités qui apparaîtraient les plus appropriées pour limiter les exemptions d’assiette, dans l’hypothèse où le législateur déciderait d’une telle orientation.
La fiche 2697 de net-entreprise liée à la déclaration en DSN des cotisations frais de santé et prévoyance a été mise à jour. Elle précise que conformément au point 30 du BOSS sur le montant net social, la part des cotisations de prévoyance frais de santé prise en charge par le CSE ne devait pas être intégrée au montant net social (MNS).
L’ACPR publie ses analyses sur la situation des assureurs en France au premier semestre de l’année 2025.
Il en ressort la nette amélioration de la performance des assurances, avec des primes qui augmentent (+6,6 %), des prestations qui reculent (-7,3 %) et une collecte nette record en assurance-vie (25,2 Md€).
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