Rappel : La période d'essai permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent (L1221-20 du Code du travail). La période d’essai ne doit toutefois pas être détournée de sa finalité première et utilisée par l’employeur pour se soustraire aux dispositions protectrices des salariés, notamment en matière de licenciement. Par définition, la période d’essai n’a plus de raison d’être si le salarié a déjà eu l’occasion d’exercer dans l’entreprise les fonctions pour lesquelles il est engagé.
L’employeur peut-il prévoir une période d’essai quand il embauche un salarié qui travaillait auparavant pour lui sous le statut d’auto-entrepreneur ?
Dans cette affaire, une agente commerciale a collaboré pendant 9 mois avec une société sous le statut d’auto-entrepreneur.
A compter du 1er septembre 2020, elle a été engagée en qualité d’agenceuse-vendeuse dans le cadre d’un contrat de travail prévoyant une période d’essai de deux mois. Celle-ci n’ayant pas été concluante, l’employeur y mettait fin en date du 13 octobre 2020 dans le délai contractuellement prévu.
La salariée a saisi la juridiction prud’hommale notamment d’une demande en nullité de la période d’essai et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Bien qu’ayant consenti à la période d’essai au moment de la signature du contrat de travail, elle estimait que celle-ci n’était pas justifiée dès lors que l’employeur avait été en mesure d’apprécier les qualités professionnelles du salarié avant sa conclusion.
La Cour d’appel de Pau déboute la salariée de ses demandes estimant la période d’essai parfaitement justifiée dès lors que la salariée n’était pas liée précédemment par un contrat de travail à la société de sorte que l’employeur n’avait pas pu déjà apprécier ses capacités professionnelles dans ce cadre-là.
La Cour de cassation censure le raisonnement de la Cour d’appel et renvoie l’affaire devant la Cour d’appel de Toulouse pour être rejugée sur ce point.
Note : Pour autant, cette décision n’interdit pas, par principe, la licéité d’une période d’essai conclue après l’exercice d’une prestation de travail sous statut auto-entrepreneur.
Il conviendra d’analyser, au cas par cas, les conditions de licéité de celle-ci.
Rappel : L’astreinte est définie comme étant « une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise ». (C.trav., art., L3121-9)
La période d’astreinte ne constitue pas, en principe, du temps de travail effectif. Elle doit néanmoins faire l’objet d’une contrepartie sous forme financière ou de repos. (C.trav., art., L3121-9)
Etant précisé que, seule la durée de l’intervention pendant l’astreinte (laquelle comprend également le temps de trajet) est considérée comme du temps de travail effectif et doit être rémunérée comme tel.
En revanche, si le salarié demeure « à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. », la période d’astreinte peut être requalifiée en temps de travail effectif. (C.trav., art., L3121-1)
L’astreinte peut-elle constituer du temps de travail effectif en raison de l’intensité des contraintes imposées au salarié ?
Dans cette affaire, un salarié exerçant les fonctions d’employé polyvalent devait assurer quatre nuits d’astreinte par semaine, du vendredi soir au mardi matin, au sein de l’hôtel où il travaillait et logeait dans une chambre de fonction réservée à cet effet. Celui-ci a été licencié le 2 décembre 2019.
A la suite de son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud’hommale notamment de demandes en paiement d’heures supplémentaires accomplies au titre des astreintes réalisées.
La Cour d’appel lui donnait partiellement raison et limitait l’indemnisation au motif que :
Le salarié s’est pourvu en cassation en soutenant que son numéro de téléphone figurait sur la borne automatique de l’hôtel, multipliant ainsi ses interventions au cours de la période d’astreinte.
Le juge doit vérifier l’intensité des contraintes imposées au salarié pendant l’astreinte.
Par décision du 14 mai 2025 publiée au bulletin, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel et renvoie l’affaire devant la Cour d’appel de Bordeaux.
Elle reproche aux juges du fond de ne pas avoir vérifié « si le salarié avait été soumis, au cours de ses périodes d'astreinte, à des contraintes d'une intensité telle qu'elles avaient affecté, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement le temps pendant lequel ses services professionnels n'étaient pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles ».
Ces derniers ne pouvaient se contenter de constater l’existence d’une borne d’accès 24 heures sur 24 au sein de l’hôtel pour écarter la qualification de temps de travail effectif.
Il appartiendra à la Cour d’appel de Bordeaux de se prononcer sur la question.
Apports de l’arrêt
Rappel : Une donnée personnelle est définie comme étant « toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable ». (Règl. (UE) n° 2016/679, 27 avr. 2016, art. 4, 1º). Une personne physique peut être identifiée directement (nom, prénom) ou indirectement (numéro de téléphone, matricule, numéro de sécurité sociale etc.)
A chaque traitement de données à caractère personnel doit être assignée une finalité qui doit être légale et légitime.
Le consentement constitue l’une des six bases légales prévues par le RGPD qui autorisent la mise en œuvre de traitements de données à caractère personnel.
Dans cette affaire, un salarié embauché en qualité de Chef d’agence dans une société de construction de maisons individuelles est licencié pour faute grave après avoir supprimé plus de 4000 fichiers et transféré une centaine de courriels, avec pièces jointes, sur sa boîte mail personnelle. Etant précisé que, ces suppressions et transferts sont intervenus la veille du jour où le salarié a demandé une rupture conventionnelle à la Société.
Alertée par certains collaborateurs de la disparition massive de fichiers de l’agence, la Société a mené une enquête afin d’identifier l’origine de ces effacements. Les agissements du salarié sont alors constatés par un huissier de justice dans un procès-verbal qui sera produit aux débats.
La question posée à la Cour de Cassation est celle de la licéité du procès-verbal d’huissier et du traitement du fichier de journalisation (ie : enregistrement dans des « fichier journaux » ou « logs » de l’activité des utilisateurs pour assurer la sécurité et la traçabilité des opérations).
Le salarié a saisi la juridiction prud’hommale en contestation de son licenciement, estimant que le constat d’huissier constitue un mode de preuve illicite dès lors qu’il a été établi en violation des dispositions du RGPD. Il soutient en effet que le contrôle de traçabilité informatique utilisé par l’huissier est irrégulier car l’employeur ne démontre pas :
La Société, quant à elle, considère que ce procédé est parfaitement licite et recevable dans la mesure où :
La Cour d’appel rejette l’argumentaire du salarié et juge que le constat d’huissier constitue une preuve licite. Elle considère en effet que l’adresse IP en question :
Par décision du 9 avril 2025, la Cour de cassation censure le raisonnement de la Cour d’appel au visa des articles 4, 5 et 6 du RGPD et rappelle que :
La Cour de cassation en déduit de manière limpide que : « les adresses IP, qui permettent d’identifier indirectement une personne physique, sont des données à caractère personnel, au sens de l’article 4 du RGPD, de sorte que leur collecte par l’exploitation du fichier de journalisation constitue un traitement de données à caractère personnel qui n’est licite que si la personne concernée y a consenti. »
Or, au cas particulier, la Cour cassation a relevé que :
Il en résulte, pour la Cour de cassation, que le constat d’huissier constituait une preuve illicite.
Note :
Cette décision pose donc la question de la conciliation entre, le droit à la protection des données personnelles, d’une part et, le droit à la preuve, d’autre part.
La Cour de cassation est amenée à se prononcer sur les contours de la notion de « projet important » en matière d’expertise sollicitée par le CSE.
Rappel :
Aux termes de l’article L2315-94, 2° du Code du travail, le CSE peut faire appel à un expert habilité notamment « en cas d'introduction de nouvelles technologies ou de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévus au 4° du II de l'article L. 2312-8 »
En cas de contestation de la délibération du CSE votant l’expertise, il incombe au comité de démontrer l’existence d’un « projet important » (Cass. soc., 20 mars 2024, n° 22-20.476 : solution rendue à propos d’un CHSCT, mais transposable au CSE)
La notion de « projet important » n’est pas définie par le Code du travail. Néanmoins, l’administration a précisé qu'un projet est important « lorsque la modification des conditions de travail envisagée concerne un nombre significatif de salariés et conduit, sur le plan qualitatif, à un changement déterminant des conditions de travail des salariés concernés ». (Circ. DRT 93-15, 25 mars 1993 : BO min. Trav., n° 93/10, 5 juin).
Dans cette affaire, 24 salariés d’une société devaient être transférés à une autre société du groupe sans toutefois que ce transfert n’emporte de modification du lieu de travail des salariés concernés ni de modification dans l’organisation du travail de l’équipe.
Par une délibération du 4 octobre 2023, le CSE a voté le recours à un expert habilité sur le fondement de l’article L2315-94, 2° du Code du travail.
L’employeur a assigné le CSE ainsi que l’expert selon la procédure accélérée au fond devant le président du Tribunal Judiciaire de Paris en contestation de la nécessité de l’expertise, et subsidiairement, de son étendue et son coût prévisionnel.
Le transfert de 24 salariés entre deux sociétés d’un même groupe constitue-t-il un « projet important » au sens de l’article L.2315-94, 2° du Code du travail, justifiant le recours à une expertise ?
Pour accorder l’expertise, le Tribunal judiciaire de Paris a considéré que bien que la réorganisation envisagée n’emporte pas de modification du lieu de travail et de modification de l’organisation du travail de l’équipe, un changement d’employeur comporte nécessairement « en germe » une modification des conditions de travail.
La Cour de cassation censure l’analyse du Tribunal judiciaire de Paris en lui reprochant d’avoir retenu des « motifs impropres à caractériser au jour de la délibération le droit du CSE de recourir à un expert ».
Elle déclare expressément qu’ « il n’y a pas un droit général à l’expertise, laquelle ne peut être décidée que lorsque les conditions visées à l’article L.2315-94 du Code du travail sont réunies »
La Cour de cassation en a donc conclut que dès lors que le projet de transferts n’emportait pas de modification des conditions de santé et sécurité ni des conditions de travail à la date de la délibération ayant voté le recours à un expert, celui-ci ne pouvait être qualifié de projet important au sens de l’article L.2315-94 2° du Code du travail.
Que faut-il en retenir ?
En l’absence de modification des conditions de santé et sécurité ou des conditions de travail à la date de la délibération litigieuse, le CSE ne peut revendiquer le droit de recourir à un expert.
La solution commentée fait également écho à une décision rendue par la Cour de cassation en 2010 à l’occasion de laquelle elle précisait déjà que le nombre de salariés concernés par le projet ne détermine pas à lui seul l’importance du projet (Cass. soc., 10 févr. 2010, n° 08-15.086).
Autrement dit, le critère quantitatif – à lui seul – ne suffit pas à légitimer le recours à l’expertise. Le projet doit introduire un changement définitif dans l’organisation et avoir des répercussions sur les conditions de santé, sécurité ou de travail des salariés pour donner lieu à une expertise. (Cass. soc., 8 févr. 2012, n° 10-20.376 ; Cass. soc. 12 avr. 2018, n° 16-27.866)
L’article 16 de la loi n°2025-391 « DDADUE » du 30 avril 2025 instaure une nouvelle procédure d’action de groupe en droit français à l’occasion de la transposition de la directive (UE) 2020/1828 du 25 novembre 2020 relative aux actions représentatives.
L’action de groupe est définie comme étant une action « exercée en justice par un demandeur pour le compte de plusieurs personnes physiques ou morales, placées dans une situation similaire, résultant d’un même manquement ou d’un manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles commis par une personne agissant dans l’exercice ou à l’occasion de son activité professionnelle, par une personne morale de droit public ou par un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public. » (article 16 I. A.)
Rappel du droit antérieur
Auparavant, l’action de groupe en droit du travail avait un champ restreint en ce qu’elle était limitée à deux domaines en particulier : la lutte contre la discrimination et la protection des données personnelles.
Le régime des actions de groupe était particulièrement éparse puisqu’il fallait se référer d’une part, aux dispositions communes à toutes les actions de groupe figurant dans le Code de procédure civile (840 à 841-29 du CPC), et d’autre part, aux dispositions spécifiques à la matière sociale se trouvant dans le code du travail (L1134-6 à L1134-10 du Code du travail).
Apports de la réforme
L’action de groupe ne pourra être introduite qu’après l’expiration d’un délai de 6 mois à compter de la demande tendant à faire cesser le manquement ou à compter de la notification par l’employeur du rejet de la demande. (article 16 I. F)
Etant précisé que, lorsque l’action de groupe tend à la cessation d’un manquement, le demandeur n’est tenu d’établir ni un préjudice pour les membres du groupe, ni l’intention ou la négligence du défendeur. (article 16 II.)
NB : Le juge peut, au stade de la mise en état, ordonner toutes les mesures provisoires utiles pour faire cesser le manquement allégué afin de prévenir un dommage imminent ou de faire cesser un trouble manifestement illicite. Il peut également ordonner des mesures de publicité une fois la décision devenue définitive. (article 16 II.)
Le montant de la sanction est proportionné à la gravité de la faute commise et au profit que l’auteur de la faute en a retiré. Si celui-ci est une personne physique, ce montant ne peut être supérieur au double du profit réalisé. Si l’auteur est une personne morale, ce montant ne peut être supérieur au quintuple du montant du profit réalisé. (Nouvel article 1254 du Code civil)
Portée de l’action de groupe
NB : Est réputée non écrite toute clause ayant pour objet ou pour effet d’interdire à une personne de participer à une action de groupe. (article 16 IX. F)
Cassant un arrêt déjà rendu sur renvoi après cassation, la Haute juridiction estime que le président d'une société par actions simplifiée, assujetti par assimilation au régime général de sécurité sociale, ne peut prétendre à ce titre au service de l'indemnité conventionnelle de départ à la retraite prévue pour les salariés de la catégorie des cadres dirigeants. En conséquence, et contrairement à ce que soutient l’URSSAF, cette indemnité non versée ne doit pas être assujettie à cotisations de sécurité sociale.
Cass. 2e civ., 15 mai 2025, n° 23-13.763
Les cadeaux offerts par une société à des salariés de ses clients qui occupent des fonctions de responsables d'exploitation et de sites constituent, du simple fait de ces fonctions, une contrepartie d'une activité accomplie dans l'intérêt de la société et doivent donc être soumis à cotisations de sécurité sociale.
Cass. Soc., 15 mai 2025, n° 23-12.263
Le BOSS s’est doté d’une table des paramètres qui reprend l’ensemble des données paramétriques en vigueur et publiées dans ses rubriques. Un document au format CSV permet d’accéder aux données des quatre dernières années.
La CNAM a mis fin à la tolérance qui consistait à indemniser les jours d’arrêt de travail non prescrits en cas de prolongation. Depuis le 1er septembre 2024, toute période non couverte par une prescription médicale entre deux arrêts de travail, peu important sa durée, n’est plus indemnisée.
Le décret supprime la condition préalable d’adressage par les médecins, les sages femmes et les professionnels de santé de la médecine scolaire en vue de la prise en charge des séances d’accompagnement réalisées par un psychologue et augmente de huit à douze le nombre de séances pouvant être prises en charge annuellement.
L’APEC a délivré de nouveaux agréments permettant d’intégrer des catégories de salariés non-cadres à la catégorie des cadres en application de l’article R.242-1-1 du code de la sécurité sociale pour les branches d’activité suivantes :
Dans le cadre d’une souscription dématérialisée par voie électronique, l’absence de remise des documents contractuels sur un support durable entraîne une prorogation du droit de renonciation de l’assuré.
Selon le médiateur, la mise à disposition des documents contractuels via un lien communiqué par SMS qui ne renvoie pas vers un espace sécurisé ne peut être considérée comme une remise des documents sur un support durable.
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