Rappel : l’article L. 2254-2 du Code du travail prévoit qu’un accord d’entreprise peut être conclu afin de répondre aux nécessités liées à son fonctionnement en vue de préserver ou de développer l’emploi. Les stipulations de cet accord (qui peuvent notamment venir aménager la durée du travail ou ses modalités d’organisation, la répartition de la rémunération ou encore les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise) se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail. Le licenciement prononcé au motif du refus, par le salarié, de la modification résultant de l’application de l’accord repose sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse.
L’article L. 4121-1 du Code du travail rappelle que l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
L’article L. 4624-3 du même Code prévoit que le médecin du travail prend toute mesure pour préserver la santé du salarié et l’employeur prend en considération l'avis et les indications ou les propositions émis par ce dernier. En cas de refus, il doit faire connaître par écrit au travailleur et au médecin du travail les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite.
Un salarié protégé peut-il refuser la modification de son contrat de travail résultant de l’application d’un accord de performance collective au motif que les nouvelles conditions d’exécution sont incompatibles avec son état de santé ?
Dans cette affaire, une société conclut un accord de performance collective (APC) qui prévoit une modification des horaires de travail.
Un salarié, titulaire de plusieurs mandats, manifeste son refus au motif que les nouvelles modalités d’organisation du temps de travail sont incompatibles avec son état de santé dans la mesure où elles ne permettent pas de respecter les préconisations formulées par le médecin du travail qui imposaient un horaire en journée uniquement.
Prenant acte du refus du salarié, l’employeur demande et obtient de l’inspection du travail l’autorisation de le licencier.
La Cour administrative d’appel confirme la décision des juges de première instance, qui avaient jugé que le refus opposé constituait une cause et sérieuse suffisant à justifier, à elle seule, son licenciement, en l’absence de tout lien avéré avec ses mandats. Elle constate en effet que :
Le salarié forme un pourvoi devant le Conseil d’Etat.
Par une décision du 4 avril 2025 mentionnée au recueil Lebon, le Conseil d’Etat rejette le pourvoi.
Le Conseil d’Etat pose les principes suivants :
Il en résulte que si le salarié avait accepté l’application de l’APC, l’employeur serait resté tenu par les préconisations du médecin du travail.
En outre, le Conseil d’Etat rappelle qu’en présence d’un avis d’inaptitude émis par le médecin du travail, le licenciement ne peut être prononcé sur un autre fondement que celui-ci.
Note : c’est la première fois que le Conseil d’Etat se prononce sur l’articulation des règles propres à la mise en œuvre de l’APC avec les obligations de l’employeur en matière de protection de la santé des salariés.
Il résulte de la décision du Conseil d’Etat :
(i) qu’en l’absence d’une inaptitude médicalement constatée, le refus d’accepter les modifications des conditions d’exécution du contrat de travail au motif qu’elles sont incompatibles avec l’état de santé ne prive pas l’employeur de la possibilité de le licencier sur le fondement de l’article L.2254-2 V du code du travail. A cet égard, cette solution est transposable au salarié non protégé ;
(ii) en présence de préconisations du médecin du travail, l’employeur ne peut imposer au salarié les conditions prévues par l’APC non conformes ;
(iii) en présence d’un avis d’inaptitude, le licenciement ne peut être prononcé sur un autre motif - solution déjà dégagée par le Conseil d’Etat le 12 avril 2023 (n°458974).
Rappel : la prime d’ancienneté résulte, le plus souvent, d’un accord collectif de branche ou d’un accord d’entreprise qui en fixe les conditions de calcul et de versement. Il appartient au juge saisi d’un différend entre le salarié et son employeur d’interpréter le sens à donner à la clause.
L’absence de perception d’un salaire prive- t-il le salarié dont le contrat de travail est suspendu à la suite d’un accident du travail du droit au versement d’une prime d’ancienneté ?
Dans cette affaire, un salarié est licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Il saisit la juridiction prud’homale aux fins de voir reconnaître le caractère professionnel de l’accident à l’origine de son inaptitude et condamner l’employeur au versement d’un rappel de prime d’ancienneté.
Le salarié fonde sa demande de rappel de prime d’ancienneté sur l’article 15 de l'avenant "mensuels" du 2 mai 1979 à la convention collective régionale des industries métallurgiques qui stipule que « la prime d'ancienneté, qui s'ajoute au salaire réel de l'intéressé, est calculée en fonction du minimum hiérarchique de l'emploi occupé et son montant varie avec l'horaire de travail et supporte, le cas échéant, les majorations pour heures supplémentaires ».
La Cour d’appel reconnaît l’origine professionnelle de l’inaptitude mais déboute le salarié de sa demande de rappel de prime d’ancienneté au motif que celle-ci est conditionnée à la perception d'un salaire réel. Pour la Cour d’appel, pendant les absences non rémunérées du salarié, la prime n’est pas due.
Le salarié forme un pourvoi en cassation.
Au soutien de ce pourvoi, il fait valoir que :
Par décision du 20 avril 2025 publiée au bulletin, la Cour de cassation rejette le pourvoi.
La Cour de cassation :
En conséquence, le salarié, qui n'avait perçu aucune rémunération due par l'employeur pendant son absence, n'avait pas droit au paiement de la prime d'ancienneté pendant cette période.
Note : la prime d’ancienneté ayant vocation à récompenser la fidélité du salarié dans l’entreprise et non sa présence effective, il est de jurisprudence constante que l’absence du salarié n’a, en principe, pas d’incidence sur son versement.
Par exception, cette prime peut être supprimée ou réduite dans son montant si le texte qui l’institue conditionne son versement à la présence effective du salarié au moment de son versement ou, comme en l’espèce, fait référence à la notion de « salaire réel » (la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de se prononcer dans le même sens à propos de l’interprétation à donner aux dispositions conventionnelles litigieuses. Il s’agit donc d’une confirmation - voir Cass. Soc., 6 décembre 2017 n° 16-17.137).
La décision de la Cour de cassation repose donc sur l’interprétation des termes de la norme collective instituant la prime. En pratique, il convient d’apporter une attention particulière à la rédaction des textes conventionnels en la matière, afin de sécuriser les conditions de versement d’une telle prime.
Rappel : l'article L. 2315-24 du code du travail dispose que le Comité Social et Economique détermine, dans un règlement intérieur, les modalités de son fonctionnement et celles de ses rapports avec les salariés de l'entreprise, pour l'exercice des missions. Sauf accord de l'employeur, un règlement intérieur ne peut comporter des clauses lui imposant des obligations ne résultant pas de dispositions légales.
Le CSE peut-il imposer à l’employeur la prise en charge des frais de déplacement de ses membres dans les mêmes conditions que celles prévues pour les salariés de l’entreprise ?
Dans cette affaire, l’une des entités d’une entreprise de production d’électricité est soumise aux dispositions du statut national du personnel des industries électriques et gazières ainsi qu’à un certain nombre de circulaires dont la circulaire dite « circulaire PERS 691 » du 20 décembre 1976 qui a mis en place une indemnité de grand déplacement.
Une note d'application du 26 juillet 2018 vient préciser que l'indemnité de grand déplacement est réservée « aux agents exerçant une activité qui, en raison d'organisations particulières de travail (…) implique des déplacements fréquents à périodicité, durée et lieux de séjour variables, les obligeant à quitter leur domicile plusieurs jours de suite ».
La note prévoit que cette indemnité ne se cumule pas avec le bénéfice « de dispositifs spécifiques » de prise en charge des frais de déplacement. En l’occurrence, un accord collectif du 25 juillet 2017 relatif au parcours des salariés exerçant des mandats représentatifs ou syndicaux précisait les conditions de prise en charge, par l’employeur, des frais liés à l’exercice de leurs missions.
En 2020, le CSEE adopte dans son règlement intérieur un article relatif aux frais de déplacement de ses membres qui prévoit que « (…) dans le cadre de la non-discrimination, l'employeur versera aux élus les indemnités de grand déplacement dans les mêmes conditions de versement que l'ensemble des salariés », dispositions reprises pour les membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail, de la commission politique sociale et les représentants de proximité.
L’employeur saisit le Tribunal judiciaire aux fins d’annulation de cette clause au motif qu’elle lui impose des obligations ne résultant pas des dispositions légales.
La Cour d’appel fait droit à la demande de l’employeur et annule la clause litigieuse au motif que :
Au soutien de son pourvoi en cassation, le CSE relève que :
Dans une décision du 26 mars 2025, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi.
La Cour de cassation rappelle les principes suivants :
La Cour de cassation constate ensuite que :
Elle conclut enfin que les clauses litigieuses aggravaient les obligations légales et conventionnelles pesant sur l'employeur et qu’aucun élément ne laissait supposer l’existence d’une discrimination.
Note : cette décision est conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle les clauses du règlement intérieur du CSE ne peuvent pas mettre à la charge de l’employeur, sans son accord, des charges supérieures aux obligations légales (voir notamment Cass. Soc., 22 oct. 2014, n° 13-19.427 à propos d’une clause prévoyant que les réunions devaient se dérouler pendant les heures de travail des membres du comité).
Rappelons que les clauses du règlement intérieur imposant à l'employeur des obligations ne résultant pas de dispositions légales constituent un engagement unilatéral que ce dernier peut dénoncer à l'issue d'un délai raisonnable et après en avoir informé les membres de la délégation du personnel du CSE (article L 2315-24 du code du travail).
Rappel : Les représentants de proximité sont membres du Comité social et économique ou désignés par lui pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité (C. trav. L 2313-7 al. 7).
Leur mise en place, qui est facultative, a pour objectif d’éviter une trop grande centralisation de la représentation du personnel au niveau de l’entreprise, surtout dans les entreprises ayant plusieurs établissements distincts, en donnant un rôle spécifique à certains salariés.
Le représentant du personnel a droit, en raison de la violation de son statut protecteur, à une indemnité égale au montant des rémunérations qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et l'expiration de la période de protection en cours.
Comment se calcule l’indemnité résultant de la violation du statut protecteur pour un représentant de proximité dont le mandat a pris fin par son départ à la retraite ?
Dans cette affaire, une salariée, titulaire de plusieurs mandats de représentante du personnel, saisit en 2017 le Conseil de Prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail à raison d'une discrimination liée à son sexe, à son âge et à ses activités syndicales.
Désignée représentante de proximité le 1er janvier 2020, elle bénéficie à compter de la même date, d’un dispositif de temps partiel de fin de carrière qui prend fin le 30 avril 2021, date de son départ à la retraite.
La Cour d’appel requalifie le départ à la retraite en prise d’acte de la rupture produisant les effets d’un licenciement nul et condamne la société à lui verser la somme de 36 793,09 euros au titre de la violation du statut protecteur qui correspond à 16 mois de salaire.
La salariée forme un pourvoi. Elle fait grief à la Cour d’appel d’avoir limité le montant des dommages et intérêts pour violation du statut protecteur.
La salariée soutient que :
Par une décision du 9 avril 2025 publiée au bulletin, la Cour de cassation lui donne raison et casse l’arrêt de la Cour d’appel qui avait limité à 16 mois le montant de l’indemnité pour violation du statut protecteur.
La Cour de cassation juge que :
Note : Pour mémoire, la limite de 30 mois du montant de l’indemnité d’éviction correspond à la durée minimale légale du mandat de 24 mois, augmentée de la durée de la protection post mandat de 6 mois.
Rappelons également que, dans un arrêt du 25 septembre 2019 (n°18-15952), la Cour de cassation avait déjà précisé que la circonstance que le salarié soit susceptible de partir à la retraite avant l’expiration de la période de protection, n’avait pas pour effet de minorer l'indemnité pour violation du statut protecteur en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée aux torts de l'employeur et en violation du statut protecteur.
La loi de finance pour 2025 a instauré le dispositif d’APLD rebond destiné à remplacer le dispositif de l’activité partielle de longue durée qui arrivait à son terme. Le nouveau dispositif renforce les obligations d’engagement de l’employeur en terme de formation.
Un décret n° 2025-338 du 14 avril 2025 vient préciser les contours du dispositif et notamment :
Le retard dans le respect d'obligations non contestées, préexistantes, connues et inchangées ne constitue pas une méconnaissance involontaire par la société cotisante d'une règle applicable à sa situation. La société ne peut dès lors pas se prévaloir des dispositions de l’article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration ayant institué le « droit à l’erreur » et qui prévoit une absence de sanction lorsque le cotisant a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invitée à le faire par l'administration dans le délai que celle-ci lui a indiqué (Cass. Civ. 2ème 10 avril 2025 n° 22-22.815).
Afin d’assurer le respect du secret médical dû à la victime, le dossier, mentionné à l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, ne contient pas les certificats ou les avis de prolongation de soins ou arrêts de travail, qui ne portent pas sur le lien entre l'affection, ou la lésion, et l'activité professionnelle (Cass. 2ème Civile 10 avril 2025 n° 23-11.656)
Le taux d'incapacité permanente à retenir pour l'instruction d'une demande de prise en charge d'une maladie non désignée dans un tableau des maladies professionnelles est le taux dit « prévisible » et non le taux définitif fixée après consolidation de l'état de la victime En raison de son caractère provisoire, le taux prévisible n'est pas notifié aux parties. Il ne peut, dès lors, être contesté par l'employeur pour défendre à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable (Cass. 2ème Civile 10 avril 2025 n° 23-11.731)
Dans une mise à jour du 10 avril 2025, le BOSS précise que la réduction, pour les contrats conclus à compter du 1er mars 2025, du plafond de l’exonération de cotisations sociales de la rémunération des apprentis à 50 % du SMIC conduit à augmenter dans la même mesure l’assiette de la réduction au titre des heures supplémentaires ou complémentaires.
Ainsi, cette réduction s’applique sur la part de la rémunération supérieure à 50 % du SMIC, à proportion de la part de la rémunération au titre de ces heures supplémentaires dans le total de la rémunération.
Dans une actualité du 10 avril 2025, le BOSS précise que les mandataires sociaux ne peuvent bénéficier de la réduction du plafond que dans certaines situations.
La persistance d’un haut niveau de sinistralité au travail (arrêts, accidents, maladies professionnelles, décès) a conduit le CESE à se saisir de la question de la prévention en santé au travail.
Le CESE note que les travailleurs sont confrontés à des évolutions contraintes (crises sanitaires, les bouleversements climatiques et technologiques, l’essor du travail à distance, l’accroissement du travail indépendant lié aux plateformes) ce qui entraîne des effets négatifs sur leur santé : exposition à des températures plus intenses ou à des rythmes accélérés, stress lié à certaines pratiques managériales, fatigue informationnelle…. Le CESE note également que les troubles de la santé mentale constituent l’un des défis majeurs de la santé au travail : depuis 2022, les maladies mentales (20 %) ont dépassé les troubles musculo-squelettiques (TMS – 16 %) dans les motifs d’arrêts de travail.
Le CESE rappelle le manque avéré de culture de la prévention des risques professionnels en France par rapport à certains de ses voisins européens et appelle à la nécessaire amélioration des conditions de travail en mobilisant davantage la prévention primaire. Pour ce faire, le CESE fait une série de recommandations dans un rapport d’avril 2025.
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