Brève
Actance - 7 Novembre 2025

Maladie professionnelle : les règles protectrices contre le licenciement ne s’appliquent pas automatiquement en présence d’une demande de reconnaissance d’AT-MP connue de l’employeur

La seule connaissance, par l’employeur, d’une demande du salarié de reconnaissance d’une maladie professionnelle par la sécurité sociale, ne suffit pas à établir qu’il avait connaissance du caractère professionnel de la maladie. En présence d’une contestation par l’employeur de la reconnaissance par la sécurité sociale de l’origine professionnelle de la maladie, les juges doivent vérifier si l’arrêt de travail avait effectivement, même partiellement, une origine professionnelle.

En principe, au cours des périodes de suspension du contrat de travail résultant d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie (C.trav. Art. L. 1226-9).

Toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance de cette disposition est nulle (C.trav. Art. L. 1226-13).

Cette protection s’applique-t-elle du simple fait que l’employeur ait été informé d’une demande de reconnaissance d’une maladie professionnelle initiée par le salarié ?

Dans cette décision du 24 septembre 2025, la Cour de cassation précise à nouveau la portée de la notion d’origine professionnelle de la maladie, condition nécessaire à la mise en œuvre de la protection contre le licenciement.

En l’espèce, un salarié, placé en arrêt de travail pour maladie simple à compter du 1er février 2018, est licencié le 16 novembre 2018 pour absences prolongées désorganisant le fonctionnement de l’entreprise et nécessitant son remplacement définitif.

Il avait, avant son licenciement, formulé une demande de reconnaissance d’une maladie professionnelle auprès de la CPAM. Son employeur s’opposait, quant à lui, à cette reconnaissance par lettre en date du 5 septembre 2018 adressée à la CPAM, démarche confirmant qu’il avait connaissance de la demande du salarié avant de le licencier en novembre 2018.

Le salarié saisit la juridiction prud’homale pour obtenir la nullité de son licenciement au motif qu’il est intervenu en violation de la protection renforcée du salarié victime d’une maladie professionnelle.

Le Conseil de prud’hommes le déboute de ses demandes, estimant que le licenciement n’était entaché d’aucune cause de nullité et parfaitement fondé.

Le salarié a donc interjeté appel de la décision. La Cour d’appel accueille sa demande, retenant que l’employeur avait connaissance de la demande de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie formulée par le salarié lorsqu’il a procédé au licenciement de l’intéressé pour absences prolongées entraînant une perturbation de l'activité de l'entreprise nécessitant son remplacement définitif de sorte que la mesure est entachée de nullité. 

La Cour d’appel estime en effet que le salarié aurait dû bénéficier de la législation protectrice des salariés victimes de maladie professionnelle et qu’il ne pouvait donc être licencié que pour faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à la maladie. 

L’employeur forme un pourvoi en cassation, soutenant  qu'en cas de contestation par l'employeur du caractère professionnel de la maladie, il appartient au salarié, qui prétend à l'application de la législation protectrice des salariés victimes de maladie professionnelle, de faire la preuve du caractère professionnel de sa maladie, autrement qu'en établissant uniquement qu'il a engagé une procédure pour faire reconnaître le caractère professionnel de sa maladie. 

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel. 

Elle suit le raisonnement de l’employeur, reprochant aux juges du fond de ne pas avoir recherché si l’arrêt de travail du salarié avait pour origine, même partiellement, une maladie professionnelle ou un accident du travail. 

Elle précise ainsi que la protection contre le licenciement ne s’applique pas automatiquement en présence d’une demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle ou d’un accident du travail, portée à la connaissance de l’employeur, lorsque cette demande est expressément contestée par l’employeur.

Il appartient donc aux juges du fond de rechercher, à la lumière des éléments produits, « si l’arrêt de travail du salarié avait pour origine, au moins partiellement, un accident du travail ou une maladie professionnelle », la simple demande de reconnaissance ne suffisant pas, en soi, à établir l’origine professionnelle de la maladie. 

Cass, soc, 24 septembre 2025 n°22-20.155