Brève
Actance - 4 Juillet 2025

Discriminations liées à l’identité de genre : les recommandations de la Défenseure des droits à l’attention des employeurs

Le 16 juin dernier, la Défenseure des droits a publié une décision-cadre (n°2025-112) visant à dresser un état des lieux des difficultés rencontrées par les personnes transgenres dans le monde du travail.

Alors que l’identité de genre est reconnue comme un motif prohibé de discrimination depuis la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 (entrée en vigueur en 2017), la réalité reste préoccupante : de nombreux salariés transgenres continuent de signaler des atteintes à leurs droits, tant au moment de l’embauche que dans le cadre de l’exécution du contrat de travail.

Face à ce constat, la Défenseure des droits formule plusieurs recommandations à destination des employeurs, afin d’adapter les politiques RH et managériales aux enjeux contemporains de diversité et d’égalité de traitement. Ces recommandations offrent des leviers concrets pour prévenir le risque contentieux, sécuriser les pratiques internes et favoriser un climat social plus serein. 

Tour d’horizon des six axes majeurs identifiés par la décision-cadre. 

  1. Mettre en œuvre des enquêtes internes en cas de signalement

La Défenseure recommande qu’une enquête interne soit systématiquement diligentée dès lors qu’un fait de discrimination ou de harcèlement lié à l’identité de genre est porté à la connaissance de l’employeur.

Pour donner suite à cette enquête, il est recommandé aux employeurs de prendre les sanctions disciplinaires qui s’imposent à l’égard des auteurs identifiés.

Une telle démarche est essentielle pour démontrer le respect de l’obligation de sécurité et éviter que ne soit reprochée à l’entreprise une forme d’inaction. Elle suppose une procédure claire, réactive et formalisée, permettant, le cas échéant, de prendre des mesures disciplinaires appropriées à l’égard des auteurs identifiés. 

  1. Former et sensibiliser les acteurs clés de l’entreprise 

La formation des managers, des équipes RH et des représentants du personnel aux enjeux liés à l’identité de genre est également recommandée. Cette sensibilisation doit s’inscrire dans une politique globale de prévention des discriminations et du harcèlement, en intégrant explicitement les critères d’orientation sexuelle et d’identité de genre.

Ces formations pourront notamment se dérouler dans le cadre de la formation obligatoire du personnel de recrutement à la prévention et la lutte contre les discriminations au travail dans les entreprises de 300 salariés et plus (article L.1131-2 du Code du travail). 

  1. Adapter les aménagements collectifs : vestiaires et sanitaires

Sur un plan matériel, la Défenseure des droits invite les employeurs à repenser l’organisation des locaux afin de tenir compte des besoins spécifiques exprimés par certaines personnes transgenres.

À défaut de pouvoir créer des toilettes non genrées, des aménagements individuels (cabines fermées, horaires différenciés, vestiaires séparés) sont suggérés. Ces ajustements, bien que non imposés à ce jour par le Code du travail (articles R.4228-5 et R.4228-10), peuvent contribuer à prévenir les tensions et à sécuriser l’environnement de travail. 

  1. Respecter le prénom d’usage dans les documents internes

Il est recommandé d’utiliser le prénom d’usage choisi par la personne transgenre dès lors qu’elle en fait la demande, y compris si ce prénom ne correspond pas à celui figurant à l’état civil.

La plupart des documents internes (adresse mail, badge, organigrammes, planning, etc.) ne nécessitent pas l’usage du prénom légal. Une telle adaptation permet de limiter les risques de discriminations ou de contentieux pour atteinte à la vie privée. 

  1. Adapter les systèmes informatiques aux réalités individuelles et familiales

Afin de faire pleinement droit aux demandes de changement de civilité, la Défenseure des droits recommande d’adapter l’ensemble des systèmes informatiques aux nouvelles réalités individuelles et familiales.

Il peut s’agir de supprimer la civilité, de proposer des options neutres ou de dissocier les données administratives (numéro de sécurité sociale, sexe à l’état civil) des usages courants.

L’objectif est ici double : d’une part, garantir la confidentialité des données sensibles ; d’autre part, éviter toute situation de blocage technique révélatrice d’un traitement différencié. 

  1. Eviter les prescriptions vestimentaires discriminantes

Enfin, la Défenseure des droits alerte sur les clauses ou usages internes qui imposeraient une différenciation entre les sexes en matière de tenue, de maquillage, de port de bijoux ou d’uniforme.

Si un uniforme est fourni par l’employeur, la Défenseure des droits recommande de proposer dans un catalogue unique plusieurs modèles que chaque personne pourra choisir indifféremment de son genre et de sa mention de sexe à l’état civil.

A retenir : ces recommandations, bien que dépourvues de valeur contraignante, s’inscrivent dans une logique de conformité proactive. Elles offrent aux employeurs des lignes directrices pour adapter leurs pratiques, limiter les risques de contentieux et promouvoir un environnement de travail inclusif et respectueux de chacun.