Sur l’initiative d’une intersyndicale de salariés de la RATP, un appel à la grève générale contre le projet de réforme des retraites s’est propagé et a trouvé écho chez bon nombre de syndicats dans une multitude de secteurs, dont celui des transports.
Nul doute que ce mouvement national aura un impact non négligeable pour l’entreprise et ses salariés au cours de cette journée de jeudi - voire des jours suivants, le mouvement ayant vocation à s’inscrire dans la durée.
1.Quid des salariés se déclarant en grève ce jour-là, en l’absence de mouvement social dans l’entreprise ?
Pour rappel, 3 critères sont dégagés par la jurisprudence, pour laquelle la grève est (Cass. soc. 2 février 2006, n°04-12.336) :
Si le respect des deux premières conditions ne fait pas débat s’agissant du mouvement social du 5 décembre prochain, la question de la cessation collective du travail peut se poser.
En effet, quid si un seul des salariés de l’entreprise déclare être en grève le 5 décembre et ne pas travailler pour cette raison ?
Bien qu’étant un droit individuel, la grève s’exerce collectivement. La particularité du mouvement social du 5 décembre prochain réside dans son caractère national et non interne à l’entreprise.
La jurisprudence fait de l’hypothèse du mot d’ordre formulé sur le plan national une exception au caractère obligatoirement collectif de la grève en entreprise (Cass. soc. 29 mars 1995, n°93-41.863). Tout salarié pourra donc s’inscrire isolément dans ce mouvement et bénéficier du régime qui lui est propre (cf. infra).
La grève est également synonyme de cessation du travail, ce qu’il convient d’entendre comme une cessation franche et totale du travail.
Ainsi, il n’est pas inutile de rappeler que ne répondent pas à la définition de grève :
Si les salariés respectent la cessation totale de leur travail, alors le caractère national du mouvement sera sans incidence sur les effets habituels qu’il convient d’attacher aux salariés qui se déclareront en grève.
Dans ces conditions, petit rappel des conséquences immédiates :
Le salarié n’est, en effet, plus dans l’obligation de fournir du travail et l’employeur n’ayant aucune obligation de verser le salaire correspondant strictement à la cessation de travail motivée par la grève ; sur ce point, l’employeur devra donc être particulièrement vigilant sur les possibles conséquences de cette absence sur une éventuelle prime dont l’octroi prévoit une condition de présence du salarié dans l’entreprise.
Seule une faute lourde peut justifier un licenciement si les faits sanctionnés ont été commis à l’occasion de la grève (article L2511-1 du Code du travail).
Par ailleurs, toute mesure discriminatoire prise à l’encontre du salarié en raison de sa qualité de gréviste est susceptible d’être annulée et pénalement sanctionnée.
Un tel recours revient en effet à neutraliser l’efficacité et donc l’existence du droit de grève. Cette interdiction vaut également pour le recours à ce type de contrat via un remplacement « en cascade », qui consisterait à remplacer un non-gréviste affecté au remplacement d’un gréviste. En revanche, il peut être recouru à des sous-traitants ou, tout simplement à la réorganisation du travail avec au besoin la réalisation d’heures supplémentaires par les salariés non-grévistes.
2.Quid des salariés absents ce jour exclusivement en raison des perturbations liées au mouvement mais étrangères à leur volonté ?
Il s’agit là de ceux des salariés qui, du fait du mouvement, sont placés dans l’impossibilité ou mis en difficulté pour honorer le contrat de travail les liant à l’employeur.
Quand bien même cela serait exclusivement lié aux perturbations causées par le mouvement, les salariés absents, en retard, ou dans l’impossibilité d’exécuter leur travail ce jour sont des salariés non-grévistes. Il s’ensuit que l’exécution de leur contrat de travail doit en principe être appréhendée par l’employeur selon le droit commun : ils doivent se tenir à la disposition de l’employeur et ce dernier est tenu de leur fournir du travail.
L’absence ou le retard d’un salarié non-gréviste le 5 décembre pourrait donc théoriquement faire l’objet d’une sanction de droit commun. Le contexte commande cependant de tenir compte de la singularité des raisons d’un tel manquement. Des solutions alternatives doivent à notre sens être privilégiées.
Ainsi, afin de réduire dans la mesure du possible les contraintes que rencontreront les salariés non-grévistes au cours de cette journée et préserver d’autant le bon fonctionnement de l’entreprise, trois principaux outils juridiques permettront à l’employeur de prendre des mesures d’anticipation :